«Le 25 avril est l’une de ces dates néfastes que je vois arriver avec une sorte de angoisse»
Il y a des événements qui, avant de laisser leur trace dans l’histoire, restent marqués à jamais dans notre mémoire. On rappelle de ces faits exactement le lieu et le moment où l’on a appris la nouvelle. Le 25 avril est l’une de ces dates néfastes que je vois arriver avec une sorte de angoisse.
Il y a 55 ans, vers la fin d’un après-midi d’un jour de fête ordinaire passé avec mes parents chez grand-mère, qui habitait rue Abbé Gorret, c’est moi, qui étais rentrée plus tôt pour étudier dans ma chambrette tandis que mon papa profitait de la télévision de grand-maman pour suivre le sport, qui reçu un coup de fil de l’ami Renato Caveri. Son père Séverin, à l’époque président du Gouvernement, cherchait mon père Pierre, alors assesseur régional: il avait été alerté - par la “Questura”, je crois - que l’avion que le député Gex pilotait avait eu un accident.
Mes parents avaient entre temps laissé le domicile de grand-maman et semblaient ne jamais arriver à la maison. Enfin… papa rentré put se mettre en liaison avec Séverin Caveri qui lui confia la lourde tâche de contacter monsieur et madame Gex et de partir avec eux vers le lieu de l’accident.
Papa connaissait bien Lucien et Anita qui, entre autres, habitaient non loin de chez-nous, mais face à une mission si difficile, dans laquelle l’organisation pratique du déplacement n’était qu’un détail face à la prise en charge émotionnelle de la terrible, tragique situation, estima opportun d’appeler quelqu’un à son aide. Le chanoine Jean Domaine, du Chapitre de Saint-Ours, originaire de La Salle comme Anita Coccoz Gex sembla être la personne la plus indiquée. Papa alla le chercher à son domicile.
Entre-temps, maman et moi, nous regardions vers les fenêtres de l’appartement de la famille Gex. A une certaine heure, les lumières s’éteignirent - nous supposâmes qu’ils étaient allés se coucher -, puis elles se rallumèrent à nouveau. Nous ne pouvions qu’imaginer que le chanoine Domaine et papa étaient arrivés et nous pensions avec angoisse et émotion aux pauvres parents.
Par la suite, nous apprîmes qu’ils partirent aussitôt vers Ceva, lieu de l’accident, et qu’ils firent une halte pour boire un café au bistrot de la gare de Turin (peut-être l’unique ouvert pendant la nuit). Le quotidien La Stampa venait d’être imprimé avec la terrible nouvelle et personne ne pu empêcher madame Gex de le voir.
Je sais très peu de ce qui se passa à Ceva. Papa, très touché par ce qu’il vit et sentit, pendant de longues semaines, parla et mangea très peu. Très longtemps après il fit une comparaison avec les victimes des accidents de la montagne, sur lesquels les parents, bien que désespérés, ont la “chance” de pouvoir pleurer.
Bien malheureux, par contre, ont été les parents de Corrado Gex, mort à la fleur de l’âge, alors que tout laissait prévoir pour lui une longue vie politique, riche encore de nombreux succès.